Théâtres du monde : fabriques de la nature en Occident

Théâtres du monde : fabriques de la nature en Occident
Théâtres du monde
Fabriques de la nature en Occident
Frédérique Aït-Touati
Une machine organisant l´intégralité des savoirs, une île entièrement contrôlée par les techniques humaines, une théorie expliquant tout ce qui semble incompréhensible : les inventions des premiers modernes sont des tentatives de totalisation, des dispositifs matériels ou spéculatifs pour tenter de saisir ce qui nous échappe – les puissances de la nature, la multiplicité des êtres.
Mettre le monde au creux de sa main, dans sa pensée ou sur une scène sont des manières de ramener l´immense à notre mesure. Confrontés à un monde qui n´a plus ni bornes ni centre, les philosophes, artistes et savants du XVIIe siècle inventent des petits théâtres pour échapper au vertige. Dans des lieux imaginaires ou réels, ils fabriquent la " nature " – cette singulière conception d´une scène séparée de la scène humaine, peuplée de forces incontrôlables qu´il faut apprivoiser, imiter, voire maîtriser pour pouvoir ensuite les mettre au service des puissants. C´est là que s´invente en partie l´étrange cosmologie des modernes.
En observant l´intrication étroite entre les scènes esthétiques, scientifiques et politiques au tournant du XVIe et du XVIIe siècle, cette enquête envisage la rupture de la modernité occidentale et son épuisement à partir de quelques-uns de ses lieux et artefacts. La Terre reste insaisissable sans les outils, organon, images, scènes et récits que nous ne cessons de fabriquer. On peut aujourd´hui tenter de les réinterpréter, non comme les responsables de nos dérives anthropocéniques, mais comme des petits mondes clos pour tenter d´habiter le chaos du monde.