Les pas perdus

Fouiller sa mémoire n´a rien d´une pêche miraculeuse où tous les lancers seraient fructueux. Remonter le gramophone des souvenirs enfouis au plus profond du cerveau nécessite patience et intrépidité. La surprise vient du fait que plus on réussit à en exhumer plus la voie d´accès devient praticable et ensoleillée. Pourtant les descentes en bathyscaphe du professeur Piccard ne sont rien à côté de ces allées et venues et l´aventure n´en est pas moins risquée. C´est que la mémoire ne stocke que les mots, les airs et les images, pas leur lien avec le présent. Elle les entasse sans ordre ni classement dans sa caverne d´Ali Baba. Ils sont là, en bribes, en charpies, en lambeaux, ils dorment. Les réveiller, évaluer les chances d´en retrouver la trace, est une autre paire demanches. Et une affaire de connexion. Quelle odeur, quel son, quelle musique, quelle phrase, quelle madeleine, quel Rosebud ressusciteront ce moment de vie avec une clarté surprenante ? Se glissant dans le cadre imaginé par Georges Perec et avant lui par Joe Brainard, ces souvenirs s´étalent sur une bonne soixantaine d´années, des années 30 aux années 2000 ; ils débordent même ce cadre en s´aventurant dans un futur proche, pas si rêvé que cela. Si ce retour à la vie d´instants, de bouts d´actualité, de personnages, célèbres ou inconnus, d´air du temps, de comptines, d´évocations de livres ou de films, et autres histoires, intéresse ou fait sourire le lecteur, s´il en reconnaît certains ou les croise avec les siens, j´aurai atteint mon but...