Vie de Joseph Roulin

Vie de Joseph Roulin
«Je voudrais faire des portraits qui un siècle plus tard aux gens d´alors apparussent comme des apparitions» écrivait Van Gogh. Ces portraits, on peut douter qu´ils apparaissent aujourd´hui : comble de la valeur marchande, ils sont aussi peu visibles que les effigies des billets de banque. C´est que Van Gogh, qui accessoirement était peintre aussi, est une affaire en or. Dans cette affaire, il est bien au-delà de son oeuvre maintenant, nulle part.
J´ai voulu le voir en deçà de l´oeuvre ; par les yeux de quelqu´un qui ignore ce qu´est une oeuvre, si ce phénomène était encore possible à la fin du XIXe siècle ; quelqu´un qui vivait dans un temps et dans un milieu où la mode n´était pas encore que tout le monde comprît la bonne peinture : ce facteur Roulin qui fut l´ami d´un Hollandais pauvre, peintre accessoirement, en Arles en 1888. Et bien sûr je n´y suis pas parvenu.
Le mythe est beaucoup plus fort, il absorbe toute tentative de s´en distraire, l´attire dans son orbite et s´en nourrit, ajoutant quelques sous au capital de cette affaire en or, sempiternellement. Cet échec est peut-être réconfortant : il me permet de penser que le facteur Roulin se tient nécessairement devant qui l´évoque à la façon d´une apparition, comme le voulait celui qui le fit exister.